Fret ferroviaire : la Région juste bonne à payer ?
Parent pauvre de la SNCF, le fret ferroviaire ne cesse de s'effilocher dans la région. Alors que le plan Borloo, comme celui de la SNCF, dit vouloir le doper pour désengorger les routes, la réalité est que, dans la région, faute d'investissements il part en quenouille.
FLORENCE TRAULLÉ>
[email protected]C'est une question de cohérence. Et un principe de réalité. Alors que le conseil régional n'a pas la compétence du transport de marchandises mais de celui des voyageurs, elle n'a guère eu d'autre choix que de s'y impliquer. Parce que la SNCF le fait mal et même de mal en pis.
Et parce que « quand on prend la compétence des ports, gros pourvoyeurs de fret, quand on a en charge l'aménagement du territoire, quand on transporte les voyageurs par le rail sur les mêmes voies que le fret et quand on voit le trafic camions dans la région, on ne peut pas se désintéresser de la question », résume Jeannine Marquaille, vice-présidente (socialiste) chargée des transports à la Région. S'y intéresser, c'est payer. Donc investir, là où la SNCF « depuis des années n'a pas investi dans le fret », dénonce Dominique Plancke (Vert), président de la commission transports à la Région. « À partir du moment où la SNCF a fonctionné par activité (le TGV rentable, le TER, rentable depuis que les Régions le financent) ça n'a cessé de se dégrader ». Et le fret ? « Les plans successifs n'ont servi qu'à supprimer des emplois, jamais à investir », résume-t-il.
Résultat : toujours plus de camions qui engorgent la métropole lilloise et les autoroutes qui la desservent. Une aberration écologique et une galère quotidienne pour les automobilistes. Le député Marc-Philippe Daubresse (UMP) évalue qu'« un tiers des marchandises de l'Europe passe par le Nord - Pas-de-Calais, et la moitié de ce tiers transite par la métropole lilloise ».
Infrastructures obsolètes, manque de volonté politique de la SNCF (donc de l'État), réduction volontaire et progressive du trafic dit de « wagon isolé » (la SNCF va chercher des wagons dans les entreprises et les assemble à la gare de triage de Somain (lire en page 3) pour en faire des trains complets), rien n'a été fait pour rentabiliser le fret ferroviaire. « À Somain, au début des années 2000, on avait une politique de volume. On prenait tout. On perdait de l'argent sur le wagon isolé mais on compensait par les volumes », constate David Rotolo, de la CGT cheminots à Somain. Patrick Belot, qui travaille à l'administration des ventes à la gare de Somain, constate qu'à une époque « pas si vieille que ça, c'était en 2004-2005, on faisait 1 200 à 1 400 wagons par jour. Là, on est à 500... ». La SNCF prévoit d'abandonner 60 % des wagons isolés, activité déficitaire, à des « opérateurs de proximité ». « Un rapport évoque la participation des Régions à leur capital », assure Dominique Plancke.
« Le plan fret ?
C'est peanuts ! »Alors que RFF (Réseau Ferré de France), chargé des infrastructures ferroviaires, n'a plus d'argent dans ses caisses, que la SNCF concentre ses efforts sur ses activités rentables, qui est susceptible de compenser ? Les Régions ? « Nous, on veut bien financer mais qu'on nous en donne les moyens ! Pourquoi ne pas mettre des péages pour les camions sur nos autoroutes gratuites et nous reverser cet argent pour payer les investissements nécessaires ? », propose Jeannine Marquaille. Le conseil régional le fait déjà, à sa mesure, quand il finance en partie les travaux du « barreau Saint-Georges »» où il a fallu investir pour améliorer la sortie de marchandises du port de Dunkerque, quand on lui demande de participer à des travaux sur la gare de Somain (il a payé 175 000 euros d'études mais a gelé les autres investissements en attendant de voir ce que la SNCF veut faire de la seule gare de triage au nord de Paris). Il est également mis à contribution pour le grand contournement ferroviaire de la métropole lilloise. « Je viens de signer une convention avec l'État pour moderniser l'autoroute ferroviaire atlantique Dourges-Hendaye. Sur les 15 millions de travaux sur les infrastructures dans la région, on en met 14... Comme ça, effectivement, ils vont y arriver mais c'est nous qui payons ! », constate Jeannine Marquaille.
« Nous avons accepté d'y aller car il faut que ça se fasse », reconnaît-elle, rappelant que la Région a également mis des billes dans la modernisation de la ligne littorale. L'électrification de la ligne Boulogne - Rang-du-Fliers ? « On la paie quasiment seuls... » Pour résumer la situation, et alors qu'elle estime que « le plan fret annoncé par le gouvernement, c'est peanuts ! », elle compare la situation des régions à ce qu'elle appelle « la politique des kermesses d'écoles ».
Traduisez : les parents confectionnent ou achètent les gâteaux qu'ils achètent une deuxième fois le jour de la kermesse. « Nous, on finance les infrastructures ferroviaires qui deviennent donc plus rentables. Et, du coup, RFF nous augmente nos péages pour utiliser ces infrastructures... » . Agaçant à la longue, non ?
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